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EAP Publication 24F

Conservation du sol, matière organique et la vie du sol

Le président suppléant: La séance est ouverte. Je donne la parole au professeur Hill en lui rappelant que les contraintes temporelles se font de plus en plus pressantes. Je vais le prier de s'en tenir à environ 15 mimâtes, car la liste des intervenants est assez longue. La parole est à vous, monsieur le professeur.

M. Stuart Hill, Département de l'entomologie, Collège Macdonaid, université .McGill: Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, j'ai lu avec intérêt les délibérations-de ce comité et je félicite les honorables sénateurs de s'être attaqué à ce problème, un des plus graves que connaisse le Canada aujourd'hui. Vous avez entendu dire que la situation avait pris des proportions critiques dans la plupart des régions du Canada. Bien que les exposés présentés jusqu'à maintenant aient adéquatement décrit la situation, peu ont traité des causes fondamentales de ce problème et aucun n'a parlé de la nature du sol' si ce n'est d'une façon superficielle. Plutôt que de répéter ce qui a déjà été dit, j'utiliserai le temps qui m'est offert pour vous parler de la vie du sol et de l'approche écologique de la gestion du sol.

Je viens du collège Macdonald, plus particulièrement du département d'entomologie, où je suis professeur, de la section Projets agricoles écologiques, créée en 1974 pour offrir à des personnes des divers coins du monde des renseignements sur la manière de concevoir des systèmes de production alimentaire viables, c'est-à-dire des systèmes, par exemple, où la fertilité et la productivité du sol sont maintenues et améliorées plutôt que dégradées. Ce centre est issu de la vision et des préoccupations de M. et Mm. David Stewart, de la Fondation Macdonald-Stewart, quant aux problèmes comme la dégradation du sol. Comme les honorables sénateurs le savent peut-être, M. Stewart est décédé vendredi dernier et j'aimerais lui dédier mes observations. C'est en grande partie grâce à son appui que je suis ici aujourd'hui et que je puis vous offrir un point de vue plutôt différent de celui qu'on vous a présenté jusqu'à maintenant.

Tout d'abord, j'aimerais commencer par exposer mon hypothèse de base, à savoir que la sagesse et l'intelligence des diverses personnes de cette salle peuvent permettre de résoudre le problème de la dégradation du sol. Sinon, je ne serais pas ici. Toutefois, j'aimerais ajouter qu'il nous faut adopter un point de vue très différent de celui qu'on vous a exposé jusqu'à maintenant.

souvent, on néglige le fait que le sol est un système non pas mort, mais bien vivant. En fait, quand on regarde le paysage, il y a beaucoup plus de vie sous la surface du sol qu'au-dessus. La plupart des exposés présentés à ce Comité abordaient le sol comme s'il s'agissait de quelque chose de mort. Je tiens à souligner que nous parlons d'un système vivant.

Je tiens aussi à souligner que quand nous considérons des questions comme la dégradation du sol, nous commençons souvent--et je pense que nous l'avons jusqu'à un certain point constaté ce matin--par un problème qui semble relativement simple et auquel nous pensons qu'il doit y avoir une solution puis, au fur et à mesure que nous entendons les exposes comme ceux qui ont été présentés à votre Comité, nous commençons à nous rendre compte que ce problème est complexe au point de nous paralyser et de nous embrouiller. Ce qu'il faut, c'est passer au troisième stade, c'est-à-dire à la simplicité profonde, qui nous conduit au coeur de la situation. Plutôt que d'illustrer cette idée par des données, j'aimerais d'abord vous citer un poème d'Elizabeth Odell, la poésie étant souvent plus évocatrice que les simplex données: Voici ce poème:

Étendue sur le sol

Je presse mon oreille contre la terre et j'entends, au plus profond,

Le son rythmé de son cur. Et mon coeur bat en harmonie avec le sien

Comme si les deux ne faisaient qu'un.

Je ne peux distinguer le son de mon cur De celui de la terre

Car je fais partie du cur rythmique universel.

Ces mots véhiculent, pour l'essentiel, une philosophie concernant le sol. A cet égard, les problèmes que nous avons existent parce que nous nous somme séparés de la terre. En un sens, la profonde simplicité commande que nous comblions ce fossé. Comme le disait Sitting Bull beaucoup plus simplement; La terre et moi sommes un seul et même esprit*. C'est le stade auquel nous devons parvenir si nous voulons trouver un moyen de gérer le sol qui ne conduise pas à la dégradation de cette resource.

D'un autre point de vue, nous devons étudier le problème en grande partie comme votre comité le fait. Mais nous devons aussi passer du temps dans l'environnement dont nous parlons. II est très difficile de comprendre ces problèmes et de comprendre comment le sol fonctionne quand nous sommes dans une ville, assis dans une salle climatisée.

Troisièmement, nous devons imiter la façon dont fonctionne le système et travailler avec les processus naturels. Pour comprendre ce système simple, nous devons nous rendre compte que l'agriculture est un processus en trois temps: Production, consommation et, enfin, recyclage. Nous avons mis l'accent sur la production, au détriment du recyclage. Mais le sol est l'élément ~recyclage. de ce système et si nous voulons que ce dernier fonctionne, nous devons veiller à lui fournir les éléments dont il a besoin pour continue de fonctionner.

Comme je l'ai dit plus tôt, combler le fossé qui existe entre le sol et nous revient à intégrer notre mode de vie à la façon dont le sol fonctionne. Ainsi, nous créons un équilibre entre le sol et nous, tout en prêtant attention à la rétroaction qui se produit quand le sol est emporté par l'eau et tout en reconnaissant ce que cela signifie et ce que nous devons faire pour corriger la situation.

J'aimerais maintenant que nous laissions en plan l'étude du sol comme telle pour aborder la question dont j'ai parlé plus tôt, à savoir passer du temps dans l'environnement. En un sens, je voudrais vous emmener dans le monde du sol. On pense souvent que le sol n'est qu'un amas de poussière, alors qu'il ressemble davantage à quelque chose comme l'hôtel où nous sommes actuellement. II se produit dans le sol différentes choses à différents niveaux. C'est une matière stratifiée. Quand nous le retournons sens dessus dessous, nous créons des problèmes. Nous devons donc reconnaître la nature stratifiée du soi, c'est à-dire la couche superficielle, I'humus, la couche minérale, etc. Environ la moitié du sol consiste en matières solides, et l'autre moitié n'est qu'espace, rempli d'eau. Un grand nombre d'organismes vivent dans le sol. Ce sont fondamentalement des organismes aquatiques qui vivent dans l'eau qui entoure les particule les du sol. Ce sont eux qui maintiennent la fertilité du sol. Ce n'est pas tant l'agriculteur qui l'engraisse, ce qui représente une façon indirecte de faire face au problème de la fertilité. Si nous voulons maintenir la fertilité du sol, nous devons plutôt nous occuper de ses organismes dont il existe toute une variété. Dans un acre moyen de sol fertile, il peut y avoir un millier d'espèces différentes. Avec de l'équipement, nous pouvons faire remonter à la surface du sol cette matière organique. Quand nous le faisons, nous fournissons de la nourriture à ces organismes. Nous pouvons aussi cultiver des engrais verts et les enfouir ensuite dans le sol. De cette manière, nous fournissons de la nourriture aux organismes qui se trouvent dans le sol. Quand cette substance est fournie aux organismes, ils la transforment et la situation ressemble à ceci. C'est le sous-produit de cette transformation qui maintient la structure et la vigueur du sol. Quant un animal s'écroule sur le sol et meurt, les vers de terre et les coccinelles arrivent sans tarder et s'en occupent. Peu après, il ne reste que des os; la chair est disparue. Sans ces organismes dans le sol, il y aurait des déchets partout.

La production d'un sol vigoureux est donc un processus de décomposition: transformation de la matière organique morte en humus et transformation du roc en minéraux. La combinaison des deux résulte en complexes minéro-organiques. C'est à partir de ces complexes dans l'humus que les éléments nutritifs sont pris par les plantes et que le système est maintenu. Si nous voulons avoir un sol en santé, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour promouvoir le processus de décomposition, car c'est ainsi que le sol se forme. Si nous satisfaisons aux besoins des organismes qui vivent dans le sol, nous maintiendrons le sol, et vice-versa. Voilà pourquoi il est important de bien connaître les organismes que je vous montre maintenant.

Cette diapositive montre certains des organismes qui vivent dans le sol. Je crois que j'ai distribué une feuille où se trouve la même image que celle-ci. II y a des bactéries, des moisissures ou fongus ainsi que des protozoaires, organismes unicellulaires vivant dans la pellicule aqueuse qui alimente les bactéries. La diapositive suivante montre d'autres protozoaires et d'autres organismes qui vivent dans cette pellicule aqueuse.

La diapositive suivante montre des nématodes; la plupart sont utiles et ne sont absolument pas nuisibles. On a tendance à penser que tous les vers sont nuisibles. Certains de ces organismes ont des rapports très complexes avec les insectes présents dans le sol. Par exemple, ces nématodes se déplacent en montant sur le dos de cet acarien. Voici des acariens, qui sont très utiles. En fait, moins d'un pour cent des arthropodes, qui comprennent les insectes et les acariens, sont nuisibles. Encore une fois, on a tendance à croire que les insectes et les acariens sont nuisibles.

Cette diapositive montre certains de ces autres organismes. Pour illustrer la complexité en cause, la diapositive suivante montre un petit point blanc à gauche, qui représente un acarien sur le dos d'un autre.

La diapositive suivante montre des acariens se promenant sur le dos d'un bousier. Les acariens qui se nourrissent de bouse ont des pattes très courtes et il leur faudrait beaucoup de temps pour passer d'une bouse à une autre. Ils se sont donc associés avec les bousiers, qui ont des ailes. Lorsque le bousier s'apprête à partir, il dégage une odeur qui indique le signal du départ. Les acariens lui sautent sur le dos et peuvent ainsi se transporter d'une bouse à l'autre. Ce ne sont que quelques-unes des merveilles qui se passent à ce niveau. Quand nous pensons, dans notre arrogance, que nous dirigeons le système, il est important de se rappeler ce type de rapports.

II y a d'autres acariens qui sont attirées par des mouches et qui les utilisent pour se transporter d'un endroit à un autre. II y a des petits insectes qui ont des ailes semblables à des plumes, comme le montre cette diapositive. II y a aussi les fournis, les vers blancs ou vers à pot comme on les appelle parfois. En fait, une grande partie de la fertilité du sol est assurée par les déchets de ces organismes. c'est-à-dire par leurs excréments.

La diapositive suivante montre des vers de terre, intestins du sol, comme Aristote le disait. Dans un mètre carré de sol fertile, il peut y avoir plus de trois cents vers de terre. Un sol qui n'en a pas est en mauvaise condition. Il y a d'autres types de nématodes qui sont nuisibles. En fait, certains peuvent causer des problèmes. Heureusement, le sol a sa propre façon de s'occuper de ces types d'organismes.

La diapositive suivante montre des champignons, qui détruisent les nématodes en dégageant une odeur qui les attire dans leurs pores. Les pores se referment et le champignon digère le nématode. En fournissant au sol de la matière organique, nous créons un environnement propice aux champignons, qui se chargent ensuite d'attraper les nématodes. II n'est pas nécessaire d'injecter dans le sol divers types de poison pour détruire ces organismes nuisibles, il suffit simplement de maintenir la fertilité du sol. Comme un médecin de mes amis le disait un jour: son ne souffre pas d'un mal de tête parce que l'on manque d'aspirine dans le sang.. De même, on ne souffre pas des nématodes à cause d'un manque de nématocide, mais plutôt parce que le sol ne fonctionne pas. En un sens, le nématode, qui est un insecte nuisible, se trouve à nous dire que nous n'exploitons pas le sol convenablement. Plutôt que de tuer le nématode, nous devrions prendre note du problème et en traiter les causes

Il y a d'autres insectes nuisibles comme les larves d`herbe, mais meme celles-là peuvent être contrôlées. La plupart sont attaquées et tuées par au moins une demi-douzaine d'autres insectes. En assurant que l'environnement est suffisamment pourvu de ces organismes' nous pouvons contrôler les parasites.

Il y a de nombreux prédateurs qui se nourrissent de ces organismes comme les centipèdes et les coccinelles de terre que l'on voit dans cette diapositive.

On a généralement tendance à vaporiser les champs d'insecticides. \fais cela tue la plupart des utiles dans le sol. Cela finira aussi par tuer cette personne que l'on voit dans cette diapositive si elle continue d'asperger ses champs sans habits de protection. Cette photographie est tirée d'une brochure qui expose des moyens de vaporiser des insecticides mais ne mentionne nullement la nécessité de porter des vêtements de protection. La diapositive suivante montre le modèle italien; et celle-ci, un modèle renversé. À un moment donné, il se faisait beaucoup de vaporisation par avion, ce qui causait des dommages incroyables à la vie dans le sol. L'utilisation répandue d'engrais chimiques, et notamment d'engrais d'azote, a mené à l'acidification du sol, comme on vous l'a déjà dit lors d'autres exposes.

Fondamentalement nous sommes dans une situation où nous détruisons le sol puis l'enrichissons de quelques éléments nutritifs ensuite. Une plante en croissance prend du sol environ une douzaine d'éléments nutritifs. Nous redonnons à la terre deux ou trois éléments nutritifs et parlons «d'enrichissement.. Nous faisons exactement la même chose avec les aliments, en enlevant de ceux-ci les éléments nutritifs et en y rajoutant quelques-uns ensuite pour parler de nourriture ~enrichie.. La situation est semblable quand on utilise pour les gens des approches toximoléculaires.

Le sol est vraiment le fondement de notre société. Si nous n'apprenons pas comment le gérer adéquatement, nous assisterons à la dégénération non seulement de cette ressource, mais aussi de notre société. Ce que nous devons faire, c'est alimenter les organismes qui se trouvent dans le sol en retournant des déchets à la terre comme le fumier ou en utilisant le compostage. Les gens disent parfois que le compostage est une activité de fond de cour. Cette diapositive montre un homme qui épand du compost sur un quart de million d'acres aux États-Unis. Il se dit lui-même un vendeur de foin usager.

Le compostage est une bonne façon de se servir de déchets qui, autrement, ne seraient pas utilisés. La diapositive suivante montre des copeaux de bois combinés avec de l'engrais de poulet, ce qui, six semaines plus tard, donne un riche humus noir grâce à une décomposition bien gérée. Le compostage est une façon de faire de rhumes et de rendre à la terre une matière organique précieuse.

La diapositive suivante montre un système de compostage où les pertes de chaleur issues du compostage servent à chauffer une serre pendant l'hiver. Nous pouvons cultiver des engrais verts pour alimenter la vie dans le sol et la fertilité du sol. On peut aussi réaliser cela par des cultures rotatives, les cultures selon les courbes de niveau et l'utilisation d'équipements appropriés.

Cette diapositive est un exemple à l'échelle d'un jardin. Plutôt que de retourner complètement la terre, la personne que l'on voit ici l'ameublit. De cette manière. les diverses couches sont maintenues. La plupart des organismes vivant dans le sol dont je vous parlais vivent dans les 3 centimètres supérieure du sol. Retourner complètement le sol équivaut, par exemple, à prendre la suite de terrasse de cet hôtel et à la mettre au sous sol--les occupants n'en seraient guère heureux.

Par conséquent, je recommande de faire usage d'engrais naturels, dans la mesure du possible, qui ne rendent pas le sol acide, tels les engrais minéraux, utilisant des formes d'irrigation qui ne perturbent ni ne gênent l'environnement, des pratiques d'ameublissement du sol minimal soit, par exemple, en utilisant les sous-solage et une charrue déchaumeuse à disques plutôt qu'une charrue à soc pour retourner le sol. Entre autres pratiques, on peut citer l'injection dans le sol d'organismes bénéfiques dans la mesure du possible, en se servant d'engrais minéraux en oligo-éléments, de la rotation des cultures avec les légumes et des cultures axées sur l'amélioration du sol, de la culture par paillis et de la pratique qui consiste à garder le sol couvert, de la mise à la disposition des agriculteurs et des jardiniers de bien meilleurs services relatifs au sol et aux plants, et du retour au sol de matières organiques comme le fumier, les résidus de culture, les déchets urbains, le compactage, le fumier vert et d autres matériaux tirés des plantes.

J'aimerais maintenant parler des causes du problème. Le problème provient vraiment du fait que si nous examinons la croissance de l'agriculture moyenne, elle consiste en productivité, en culture et en profit. Le problème que posent ces objectifs est qu'il n'y a aucune limite à la productivité et aux profits. Le système naturel, par ailleurs, fonctionne en deçà de certaines limites et lorsqu'on essaie d'utiliser un système qui fonctionne sans limites, il se comportera effectivement comme s'il n'y avait aucune limite et on épuisera progressivement le système. C'est un peu comme si l'on fouettait à mort un cheval de course pendant qu'il parcourt la piste, et c'est essentiellement ce que nous faisons au sol. Nous avons besoin d'objectifs limites, comme l'alimentation, l'épanouissement, l'aspect nutritif, la souplesse et l'évolution des système utilisés. Ce sont les buts que nous devons avoir; nous devons soigner l'équilibre, collaborer et décentraliser les méthodes d'approche parce que les solutions qui valent pour un endroit ne valent pas nécessairement partout. On ne peut centraliser les solutions uniformément, en utilisant des engrais sur un sol infertile, ou des pesticides contre les parasites. Les solutions sont particulières à chaque endroit et nous devons examiner les causes lointaines des problèmes qui se posent à nous. On a tendance dans notre société à chercher des solutions rapides, puissantes, directes, originales et à Dire f des solutions à long terme, indirectes, moins puissantes et anonymes. Ce sont là les solutions qui éventuellement amélioreront l'aspect nutritif et la gestion du sol.

Si l'on examine cette situation dans une plus vaste perspective, on constate souvent une tendance à rechercher des solutions au sein d'une discipline ou d'un segment de la société. Je désire simplement signaler que trouver des solutions à ces problèmes exige que nous examinions l'ensemble de la situation. C'est un peu comme si l'on montait une pièce qui mettrait en scène tous les membres de la société. Nous devons avoir un scénario pour les chercheurs à tous les niveaux de gouvernement, pour les vulgarisateurs, les éducateurs, le grand public, I'industrie, le commerce, les agriculteurs etc. Nous ne pouvons régler ce problème par une recherche partielle. En fait, la majeure partie de la recherche ne fait que constater notre extinction; elle mesure le problème; nous n'avons pas le courage de prendre des mesures, et par conséquent nous nous contentons d'étudier le problème. Je pense qu'il est temps que nous ayons le courage de prendre des initiatives.

J'ai quelques chiffres qui illustrent le genre d'actions que, à mon avis, nous devrions prendre. Face à un tel problème, nous avons tendance à l'aborder par la cime des arbres. Nous devons en fait nous attaquer aux racines si nous voulons vraiment le résoudre. On pourrait dire aussi que souvent nous pensons que le problème est d'une certaine nature, mais parfois il est tout à fait différent. Une photographie vaut mille mots.

Nous avons trois façons de résoudre ce problème. Premièrement, nous pouvons donner des recommandations sur la façon d'orienter les gens dans la bonne direction--c'est-à-dire fournir une meilleure éducation sur les points dont j'ai parlé dans mon exposé. Nous devons fournir de meilleurs services aux agriculteurs qui sont véritablement intéressés, un meilleur appui à la recherche et de meilleures lois.

A court terme, il est nécessaire de récompenser les gens qui prennent ces initiatives. Par exemple, si un agriculteur rend un champ rentable et cultive ce champ en fonction de l'amélioration du sol, cet agriculteur subit une perte économique. Donc, il faut récompenser ceux qui consentent à faire ce sacrifice. Cette intervention, toutefois, doit être à court terme, parce que nous ne pouvons pas avoir une société qui se tienne et qui ne fasse des choses sensées que parce qu'elle est récompensée.

Troisièmement, nous devons prévoir des pénalisations pour ceux qui rejettent tout comportement rationnel et qui endommagent le sol au détriment des générations futures.

Ma dernière liste de facteurs comporte des choses dont mes étudiants devraient être conscients. II s'agit d'une liste de question auxquelles toute personne qui songe aux problèmes liés au sol devrait pouvoir répondre. Dans un sens, c'est une recommandation que je me fais à moi-même à titre d'éducateur dans une université. La plupart des étudiants qui étudient le sol dans les universités ne pourraient répondre à ces questions ou ne les connaissent pas. C'est partiellement la cause de notre problème. Nous avons des façons inadéquates d'évaluer la santé du sol. Nous avons tendance à adopter une façon uniforme pour gérer le sol, et pourtant il nous faut être capables de concevoir des solutions particulières pour chaque situation particulière. Nous devons savoir comment le sol réagit entre autres avec les organismes que je vous ai cités ainsi, connaître la façon dont nos diverses pratiques de gestion influent sur ces organismes, tenir compte du fait que chaque pratique doit être appropriée à chaque situation particulière et être au courant des pratiques de culture idéales.

Nous devons connaître davantage les cultures axées sur l'amélioration du sol ainsi que la valeur des mauvaises herbes, qui sont souvent considérées comme des parasites, alors -tutelles sont les organismes qui améliorent le sol et sont révélatrices d'un sol mal géré. Il nous faut mieux connaître le relation qui existe entre les ajouts qu'on peut apporter au sol et les conditions du sol, et être plus aptes à se servir des déchets et à les utiliser pour améliorer le sol.

Enfin, nous devons calculer les niveaux permissibles de renouvellement des résidus de cultures, parce que nous voulons de plus en plus utiliser ces matières comme source énergétique.

Si nous exagérons dans ce sens, nous détruirons le sol. Nous devons mieux utiliser les engrais minéraux, trouver des façons d'utiliser les hormones végétales et les substances naturelles pour entrevoir la relation entre la condition du sol, la qualité des aliments et la santé de l'homme et des animaux. Nous devons lier les pratiques de gestion du climat et aux effets à long terme des produits toniques appliqués au système et trouver d'autres façons de lutter contre les parasites. Nous devons savoir comment les édifices, les clôtures, les routes et la machinerie influent sur le sol. Nous devons élaborer ce que j'appelle un système de polyculture, c'est-à-dire un système agricole plus complexe, par opposition à un système de monoculture. II nous faut aussi aider les agriculteurs à tenter leurs propres expériences. Nous devons savoir comment expliquer aux agriculteurs, aux étudiants' aux consommateurs et aux personnes telles que vous comment le système fonctionne et comment nous pouvons nous y adapter. II nous faut aider la population à comprendre comment les règles et les règlements influent sur la dégradation des sols. Dans bien des cas, les lois et règlements issus d'un ministère d'État protègent le sol tandis que ceux qui émanent d'un autre ministère contribuent à sa dégradation. Nous devons dire aux agriculteurs où ils peuvent s'adresser pour avoir de l'aide.

Merci de votre attention. Je serais heureux de réponde à toutes vos questions.

Le sénateur Sparrow:

Merci de ce très intéressant exposé sur les problèmes liés au sol et à la dégradation des sols. C'est le premier aperçu global que nous ayons eu sur le sol lui-même et c'est un aspect très important de notre étude.

Quel est selon vous le plus important aspect de la dégradation des sols? Est-ce l'érosion hydrique, éolienne, la salinisation ou l'acidification, ou s'agit-il de la qualité des sols elle-même? Est-ce là que réside surtout la détérioration?

M, Hill:

Je me place parfois du point de vue d'un animal qui a besoin du sol pour vivre. À ce titre, je pourrais dire que mon espace vital s'est dégradé, que mes sources alimentaires disparaissent, et que la matière organique qui m'alimente s'éteint. Etant donné la perte de matières organiques, le sol d'écroule. Par conséquent, l'espace vital se rétrécit et les produits toxiques utilisés sont de plus en plus nombreux et la protection ;i la surface devient moindre parce que le sol est laissé dénudé. Je pense que ce phénomène est surtout lié à la disparition des matières organiques.'Par conséquent, si nous pouvions avoir des systèmes de gestion des sois qui retournent la matière organique à la terre et qui réussissent à la protéger, comme un sous-produit du sol. nous réduirions l'érosion, nous fertiliserions le sol, nous minimiserions la contamination de l'eau. Donc, c'est une façon d'illustrer la méthode indirecte que je préconise.

Le sénateur Sparrow:

Quelle est la plus grande menace à la vie du sol, est-ce le compactage ou simplement la disparition des matières organiques?

M. Hill:

A mon avis, c'est à la fois la perte des matières organiques et le denudement du sol.

Le sénateur Sparrow:

Recommandez-vous que nous devrions d'abord régler l'aspect nutritif du sol pour que tout le reste se regle de soi-même.

M. Hill:,

Absolument.

Le sénateur Sparrow:

Que recommandez-vous pour le fumier vert?

M. Hill:

Ce genre de fumier varie d'un endroit à l'autre. Pour obtenir un bon fumier vert, il nous faut en fait un mélange de culture telle les légumes qui produisent de l'azote et l'ajoutent au sol, et les cultures qui sont très bonnes pour fixer les hydrocarbures et qui constituent de 1'humus pour le sol. Il nous faut un alliage de choses comme les céréales ainsi que des cultures comme le sarazin, d'une part, et d'autre chose comme le trèfle, l'alfalfa et la vesce ainsi que les fèves. Tous ces plants peuvent être cultivés et s'intégrer au système de culture par exemple, en utilisant des fumiers verts d`hiver, comme le blé d'hiver, et ce genre de chose. Elles peuvent aussi être intégrées en les plantant entre les rangées le cultures en rangées ou en les cultivant comme légumes entre les rangées de mais, par exemple. Par conséquent, il n est pas nécessaire qu'on leur consacre des terres destinées à la production.

Le sénateur Sparrow:

Quelle serait selon vous la meilleure législation ?

M. Hill:

Il faut protéger, à mon avis, les terres de haute qualité qui nous servent à d'autres fins. Nous devons simplement garder nos terres agricoles pour l'agriculture. Nous devons considérer cet aspect avec beaucoup plus de sérieux. II faut aussi encourager les agriculteurs, comme je le disais plutôt, qui prennent ces problèmes au sérieux. Par exemple. dans une étude auprès d'agriculteurs qui pratiquent l' agriculture organique aux Etats-Unis, on a découvert que ceux-ci géraient leur exploitation agricole en utilisant les deux-cinquièmes de la somme d'énergie utilisée pour des exploitations agricoles conventionnelles. Ce système d'agriculture prévoyait dans la plupart des cas le retour des déchets organiques au sol et l'accumulation de sol. Si vous songez à l'aspect profit, vous constateriez qu'ils sont à peu près les mêmes. Ces agriculteurs ont produit la meme quantité de récolte en utilisant les deux cinquièmes de la somme d'énergie. Je le répète, ceux qui sont prêts à courir les risques et à acquérir de nouvelles connaissances devraient être récompensés et appuyés.

Le sénateur Sparrow:

Merci.

Le président suppléant: Sénateur Lapointe?

Le sénateur Lapointe:

J'ai une petite question à poser, monsieur le président. Le professeur Hill a déclaré qu'il vaut mieux pratiquer le sous-solage que de se servir d mie charrue. Professeur Hill, pensez-vous que sur une grande terre il serait plus coûteux et plus long de procéder de cette façon?

M. Hill:

Je pense qu'il y a deux aspects à cette question, sénateur. D'une part, il faut parfois utiliser quelque chose comme une charrue à soc. Lorsqu'on emmotté de nouvelles parcelles de terre, il est beaucoup plus facile d'utiliser une charrue à soc. Lorsque le sol Oust pas si fertile et qu'il est compacte, il se coupe beaucoup plus facilement que si l'on utilisait le sous-solage et une déchaumeuse à disques. Toutefois, si chaque agriculteur fait attention au sol et commence à le régénérer, ces organismes dont j'ai parlé feront essentiellement la majeure partie de la culture pour lui. II deviendra donc de plus en plus facile de cultiver le sol et l'agriculteur aura besoin d'un tracteur de plus en plus petit pour tirer la charrue. D'autre part, avec notre façon conventionnelle de gérer les sols, I'histoire a démontré que nous avons besoin de tracteurs de plus en plus gros, qui compactent le sol de plus en plus. Ceci signifie que nous devons utiliser encore des tracteurs plus gros et que tout ce phénomène est un véritable cercle vicieux.

Le sénateur Lapointe:

Qu'entendez-vous par "déchet urbain"?

M. Hill:

Il s'agirait de déchets organiques produits par l'apport de denrées alimentaires dans la ville; essentiellement, c'est tout ce que nous envoyons dans les toilettes.

Le sénateur Lapointe:

Vous dites qu'il ne devrait pas comprendre dthuile et de substances de ce "cure?

M. Hill:

Non, il faut que ce soit constitue par des matériaux qui ne sont pas toxiques. C'est le problème que nous posent les déchets urbains. Nous les mélangeons à des matières toxiques de sorte que nous devons séparer les déchets qui peuvent être retournes au sol de ceux qui ne le peuvent pas.

Au Québec, nous avons une politique qui nous dicte de produite notre propre alimentation animale du sol. Nous transportons les céréales à travers les Prairies à partir de l'Ouest afin d'alimenter les animaux de l'Est. Cette manière de procéder enlève les matières organiques des terres de l'Ouest, et dégrade le sol tout en enrichissant le sol dans l'Est au point où nous ne pouvons gérer les déchets, qui sont déversés dans les cours d'eau, ce qui entraîne finalement de la pollution. Si je proposais que la solution aux problèmes consiste à transporter tout le fumier du Québec dans l'Ouest, tout le monde penserait qu je suis fou. Je le suis peut-être. En un sens, toutefois, il faut qu'éventuellement nous ayons un système beaucoup plus autosuffisant au niveau régional de distribution de la population.

Nous pourrions peut-être nous poser la question suivante: si nous voulions véritablement résoudre ce problème, que ferions nous? Répartirions-nous la population comme nous le faisons à l'heure actuelle? Certainement pas. Si nous avions des millions de dollars à consacrer à la solution de ce problème, nous n'hésiterions pas à le résoudre'Si chacun de nous s'attendait à vivre 2 000 ans, continuerions nous à traiter le sol comme nous le faisons actuellement? Je ne crois pas que nous déverserions des matières toxiques dans le sol dans ce cas.

II faudrait bien nous réveiller et commencer à réfléchir à ce problème sérieusement. Je suis heureux que ce Comité étudie le problème de l'érosion des sols. J'espère que les honorables sénateurs continueront à examiner le problème au niveau de ses causes et de ses fondements.

Le président suppléant:

Merci, professeur Hill. Vous nous avez donné un expose vivant sur un sujet extrêmement vivant.

M. Hill:

Merci.

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